mercredi 16 avril 2008
AU FIL DES PAGES DU LIVRE DE PAUL DESALMAND, LE PILON
La maison Quidam confirme sa réputation de dénicheur de livres originaux et précieux avec Le Pilon de Paul Desalmand, un grand amoureux de la littérature. Assurément mon coup de coeur de l'année en cours. Celui-ci nous narre le destin mouvementé d'un livre, de sa naissance jusqu'à sa mort. La première originalité est donc le sujet abordé. Le deuxième est le point de vue à la première personne, depuis le livre. C'est un pari audacieux qui n'est pas sans risques, loin s'en faut.
La réussite de l'ouvrage tient au parti de l'auteur de donner corps et âme au livre en lui insufflant littéralement la vie. Celle-ci existe pour lui à travers ses lecteurs. C'est ainsi que nous découvrons un panel représentatif des hommes ou femmes qui ont lu ses lignes. Tous n'ont pas la chance d'être dans son cas. Car les morts prématurés dans le monde cruel du livre abondent. L'existence d'un livre dépend de nombreux paramètres, dont le libraire chez qui il tombera. Lui aura la chance d'être recueilli chez des professionnels passionnés qui lui permettront de nouer des relations profondes avec ses lecteurs, de mains en mains, de voyage en voyage, de péripétie en péripétie. Parfois, il connaitra un sort moins réjouissant mais un ange gardien veillera sur lui pour le sauver. Un livre, comme un être humain, a besoin qu'on prenne soin de lui; le livre s'abimant au fil de son existence. Et puis, un accident est si vite arrivé. Il est sensible à ce que l'on fait ou dit de lui. C'est un témoin inattendu de vos moindres faits et gestes. La nuit tombée, il se lance avec ses compagnons de bibliothèque dans des joutes verbales animées. Ce qu'il craint parmi tout, c'est de finir boudé, abandonné , plongé dans le noir, au fond d'une cave, rongé par les rats, ou pire, piloné, victime du grand fléau du livre, car jugé indésirable. La vie d'un livre est bien plus complexe que l'on pourrait le croire et Paul Désalmand nous invite à vivre un conte à la fois réaliste, cruel, fantaisiste, truculent et toujours profondément respectueux du livre. Ouvert aussi puisqu'il conclue l'un des chapitres de la sorte: "Je veux donner du champ à son imagination. Lecteur, qui t'empêche de l'écrire, ce chapitre qui te paraît manquer ou cette anecdote indispensable?" C'est un hommage au livre et à tout ceux qui le font vivre, aux écrivains d'hier, d'aujourd'hui et de demain. Il met en garde contre les dangers de la logique actuelle de "consommation" qui menacent le livre dans son essence vitale. Finalement, bien plus que la mort d'un livre, c'est la perte de son identité, de son âme qui menace son monde de subsister au-delà des siècles et des modes. Paul Desalmand nous invite, de bien brillante façon, à associer nos vies à celle de ce si précieux objet intemporel.Après la découverte de cette ode au livre, vous pourrez difficilement le reléguer au fond de votre cave, sous peine, d'avoir un pincement au coeur bien légitime.
>A lire: Paul Desalmand, Le Pilon(2006) publié chez l'excellentissime maison Quidam Editeur.
>A découvrir: l'entretien de l'auteur accordé à Anne-Sophie Demonchy sur son blog, la lettrine
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4 commentaires:
Bonjour Edwood!
Voici un ouvrage qui illustre à merveille ce que Michel Tournier explique fort bien dans son essai sur la lecture intitulé Le Vol du Vampire : "Publier un livre c’est procéder à un lâcher de vampires. Car un livre est un oiseau sec, exsangue, avide de chaleur humaine, et lorsqu’il s’envole, c’est à la recherche d’un lecteur, être de chair et de sang, sur lequel il pourra se poser afin de se gonfler de sa vie et de ses rêves. Ainsi le livre devient ce qu’il a vocation d’être : une œuvre vivante"
Ton article est passionnant et donne envie de découvrir le texte dont tu parles et que je ne connaissais pas.
Bien à toi,
Irma Vep
Bonjour à toi Irma Vep!
Merci pour ce commentaire fort agréable je dois dire.
Désolé pour le délai de réponse un peu long.
Si tu aimes le livre en tant qu'objet prenant vie dans les mains du lecteur, tu devrais beaucoup apprécier celui-ci qui est un petit bijou dans le genre.
Je ne connaissais pour ma part ni la citation très pertinente dont tu fais part ni l'essai dont il extrait mais ferai le nécessaire pour y remédier.
Personnelement, je trouve qu'un livre prend vie dans les mains du lecteur et il arrive que celui-ci ait l'impression d'être comme envouté par lui.
A ce sujet, Alberto Ongaro, un auteur que j'affectionne énormément, m'a avoué avoir eu l'impression de rentrer dans le livre Sous le Volcan de Malcolm Lowry. C'est au cours de cette lecture incroyable qu'il a eu l'idée d'un livre où le lecteur a l'impression de rentrer dans celui-ci(le mystérieux et merveilleux La Taverne du Doge Loredan)!
Au plaisir de te croiser à nouveau.
Ton article m'a donné envie de lire ce livre ! Merci pour la référence :)
Je t'en prie Kaly, c'est un plaisir de pouvoir faire partager ma passion pour certains livres, surtout quand ceux-ci sont méconnus.
Celui-ci est un vrai bijou dont on peut se délecter sans aucune hésitation.
Ce que je n'a pas dit dans le billet, c'est que ce livre est truffé de références littéraires auquels il renvoie. Ainsi, le danger avec ce genre de livres, c'est d'être pris d'une frénésie de lecture.
Par ailleurs, n'hésite pas jeter un coup d'oeil aux autres ouvrages parus chez le même éditeur Quidam(L'Ami Butler en tête dont je parle aussi sur ce blog) qui est une mine d'or pour les curieux.
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