Cette fois-ci, c'est à Gilbert Keith Chesterton que je vais m'intéresser et plus précisément à son recueil intitulé l'Oeil d'Apollon, qui ouvre l'ensemble.
Dans sa préface, Borges déclare :
"La littérature est une des formes du bonheur; et aucun écrivain, peut-être, ne m'a procuré autant d'heures heureuses que Chesterton."
Même si cette remarque n'est pas tout à fait neutre quand on connaît l'amitié qui liait les deux hommes; après la lecture de ce bien beau recueil, on se dit que cette réflexion n'était pas si gratuite que cela.
La plupart de ces nouvelles mettent en scène le père Brown, à la perspicacité redoutable, et son ami Hercule(un clin d'oeil au personnage d'Agatha Christie?) Flambeau, un inspecteur souvent désorienté par la tournure de l'enquête à laquelle il a affaire.
Dans l'Oeil d'Apollon , une mort intervient dans un immeuble dans lequel sévit le gourou d'une secte solaire qui proclame ses discours fanatiques depuis son balcon, sur lequel domine un énorme oeil, jonché dans un triangle. Dans l'honneur d'Israël Gow, il est question du comte Glengyle, de sa disparition et de son château au décor typiquement écossais.
Dans les pas dans le couloir, l'irrégularité des pas entendus est palpable et met la puce à l'oreille au Père Brown. Ce dernier, grâce à une finesse redoutable digne d'un Sherlock Holmes au sommet de sa forme, ne se laisse pas détourner par le piège des apparence des faits dans lequel semble tomber immanquablement le trop conventionnel Flambeau. Il sait se servir des imperceptibles détails qui jalonnent l'enquête pour la déjouer.
Parmi les qualités indéniables de l'auteur anglais, l'art de savoir surprendre n'est pas des moindres. Ses textes sont un savant mélanges entre ambiance fantastique ou macabre, péripéties déroutantes et un zeste d'humour très savoureux qui en donne sa saveur si particulière. L'évocation du secret club des douze pêcheurs à la ligne, la façon de tourner en dérision la nature religieuse des personnages, mais aussi l'ironie avec laquelle les arguments les plus extravagants sont mis en pièce, tout cela parmi tant d'autres pieds de nez à l'austérité anglicane, favorise un climat atypique.
La dernière nouvelle est un chef-d'oeuvre qui mérite à elle seule la présente parution. Le récit aurait pu être conté au coin d'un feu. Ici, c'est au bord d'un étang qu'elle nous est narrée . Les trois cavaliers de l'apocalypse conte l'histoire d'un chantre polonais qui gênait les autorités prussiennes. Un maréchal de cette armée décide de le tuer en confiant un ordre d'exécution à son valeureux lieutenant qui devra absolument être remis avant le soir. Seulement voilà la longue route désespérément rectiligne, bordée de marécages mouvants, qu'il lui faudra parcourir pour arriver au terme de son voyage, comprend des obstacles inattendus qui surgiront derrière ce cavalier lancé vers son destin...
- à découvrir: le recueil l'Oeil d'Apollon de G.K.Chesterton aux éditions du Panama, dans la collection "La Bibliothèque de Babel"(1977) préfacée par J.L.Borges traduit par Jean Dutourd à l'exception de Les trois cavaliers de l'Apocalypse(par Sarah Leibovici)
4 commentaires:
Excellente idée, cher Edwood, que de promouvoir l'humour et l'intelligence retorse de ce cher Chesterton. Je me suis moi-même régalé à la lecture de cet opus, dans l'admirable collection autrefois dirigée par Borges. Sans aucun doute, la dernière nouvelle est la plus impressionnante, la plus fondamentalement fantastique, et comme vous l'écrivez si justement, elle justifie à elle seule la publication du recueil. Mais le père Brown n'est pas en reste, et son sens redoutable de l'interprétation approche les cimes de l'étrange et de l'incroyable. Une belle lecture pour l'hiver! Amicalement, Nikola...
Cher Nikola,
C'est grâce à vous que j'ai entrepris de découvrir cet auteur.
Chesterton sait distiller un dosage unique entre une ambiance à la fois fantastique et un ton très mordant.
Pour aller plus loin, que me conseillez-vous?
Cher Edwood,
je reviens bien tard sur ces pages, pour découvrir votre réponse à mon commentaire. Eh bien, je puis vous conseiller un autre recueil de Chesterton, qui me l'a fait découvrir, aux éditions de L'arbre vengeur: "Le jardin enfumé". Mais si vous vous sentez déjà totalement conquis, pourquoi ne pas plonger directement dans l'intégrale des enquêtes du Père Brown, rassemblées par Francis Lacassin chez Omnibus? Par contre, si vous vous sentez comme moi l'âme en quête de surprise, je vous suggèrerais un opuscule que je n'ai pas lu mais qui m'intrigue, aux éditions du Promeneur, collection Le Cabinet des lettrés, "L'Assassin modéré" (avouez que le titre fait rêver, non? :-)) Avec tout cela, nous devrions pouvoir commencer l'année 2009 dans de bonnes conditions!
Amicalement, Nikola...
Merci beaucoup Nikola pour toutes ces précisions éclairées.
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