mercredi 25 août 2010

La fleur à huit pétales

Après avoir narré les aventures de jardiniers statuaires, il fallait bien évoquer ce texte qui nous vient d'une contrée nordique, Rosa Candida, fraîchement paru aux éditions Zulma, dont la taverne ne tarira jamais assez d'éloges ici. Chez les créateurs islandais, il existe une sensibilité commune à l'innocence, à la beauté de l'instant. Rosa Candida ne déroge pas à cette essence caractéristique qui n'est pas sans évoquer, dans son rapport simple à la réalité et touchant à la solitude des êtres qui tentent tant bien que mal de s'accoupler avec la personne responsable de leur épanouissement. A travers cette approche mélancolique, emplie d'un sens de l'humour en demi-teinte, on pense notamment au réalisateur Dagúr Kari, à ses oeuvres Noí Albinoí ou Dark Horse, au sein desquels, la femme révèle l'espoir d'une rédemption, d'un paradis perdu.

"Rosa gallica, rosa mundi, rosa centrifolia, rosa hybrida, rosa multiflora, rosa candida"

Tel un jardinier qui se plairait à cultiver les parcelles d'un jardin sécrétant des espèces en voie de disparition, Arnjótur égrène ses souvenirs à la recherche des parfums d'autrefois. Des saveurs perdues rejaillissent ainsi grâce aux préparations jadis élaborées par sa mère. A travers les mets remis au goût du jour, c'est la mémoire familiale qui est ravivée. La recréation de la filiation s'inscrit en filigrane du roman, dont la Rosa Candida, spécimen unique et précieux à huit pétales, symbolise l'accomplissement. Symbiose de l'espoir renaissant et de la vitalité face à l'adversité, elle s'immisce au coeur de la quête initiatique que va entreprendre Arnjótur. Il devra, pas à pas, malgré les intempéries la protéger, en dépit de la maladie et de la détresse la surveiller, pour finalement lui permettre de renaître, de connaître le bonheur d'une renaissance loin de sa serre matricielle.


En partance pour un pays étranger indéfini, dont il faudra s'imprégner de la langue, de la culture et d'un climat plus tempéré, le jeune homme se voit confier la mission d'offrir une nouvelle jeunesse à ces quelques illustres parcelles de terrain, à cette roseraie divine jouxtant un couvent. Inquiet du sort de son fils, le père d'Arnjótur conserve, malgré la distance, un lien ténu entre le cocon familial et le nouveau foyer isolé. Malgré ses piètres dons de cuisinier, le garçon sera sollicité pour combler ses lacunes culinaires, de rappeler à sa mémoire les dosages et les ingrédients des recettes maternelles. De son côté, Arnjótur se retrouve dans un lieu de recueillement et de ferveur artistique où tous les soirs, comme un rite bien établi, un moine rend hommage à des réalisateurs disparus. Au gré de ses conversations avec le reclus, tandis que les désirs du corps sont contenus malgré une ébullition des sens, l'esprit d'Arnjótur s'ouvre vers des possibilités insoupçonnées jusqu'à présent. Lorsque la mère de son enfant refait surface loin du pays volcanique qui a vu naître leur éphémère union sous la nuit d'une serre, ces pensées en gestation trouvent un terrain propice à l'éclosion. A la vue du nouveau-né, la petite Flora Sol qui ressemble à s'y méprendre au doux Jésus, une foule de sentiments l' effleurent tout d'abord, puis se pressent dans le sein du père, conscient de son rôle révélé à la vue de tous. Comment a-t-il pu, lui ici présent, désormais impuissant à un tel torrent d'émotions, rester insensible à tant de candeur chez une femme? Peut-être Anna, étudiante en génétique, parviendrait-elle à élucider toutes ces questions en suspens? Ne préférera-t-elle pas, après tout, davantage les éluder que les soupeser pour s'abandonner au frisson de la passion? ROSE..OSER, les sentiers végétaux empruntant des détours foisonnants qui, imperceptiblement, rebroussent chemin vers leur origine.

L'écriture de Audur Ava Ólafsdóttir caresse l'esprit du jeune homme avec une innocence de tous les instants sans jamais pour autant tomber dans la mièvrerie. Tout en mettant en relief ses insensibles nuances par des images évocatrices, elle parvient à rendre grâce à la simplicité de chaque moment passé.




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