samedi 4 juillet 2009

Une cuvée 2008-09 riche et variée

L'heure des beaux jours a sonné, il est désormais temps de faire le bilan de cette fort riche saison 2008-09 de lectures.
Comme l'année passée, il a été délicat pour moi de ne pas intégrer certaines oeuvres des classements qui suivent. Je me suis limité à trois sélections par catégorie, ce qui nécessairement exclut plusieurs titres d'une très grande qualité. Pour les départager, cela n'a guère été plus aisé
puisque certains d'entre eux auraient pu être interchangés sans que je sente pour autant mon sentiment trahi.

J'ai fait l'impasse sur la catégorie "bande-dessinée" puisque je n'ai pas eu l'occasion de butiner dans cet univers cette saison. Ainsi, les catégories retenues sont:

-Meilleurs romans de l'année
-Meilleurs romans lus pendant l'année
-Meilleures nouvelles
-Meilleures lectures hors-catégories


  • Meilleurs romans de l'année
1- David Toscana, El último lector (Zulma)
2- Ramón Sender, Le Roi et la reine (Attila)
3- Jean-Daniel Dupuy, Invention des autres jours (Attila)

-El último lector de David Toscana est un chef-d'oeuvre d'inventivité tant dans le fond que dans la forme. S'il m'a charmé à ce point, à mes yeux, c'est avant tout pour la relation de proximité qu'il parvient à tisser entre écrivain et lecteur, et la mise en avant du livre en tant que monde à part entière. On espère que Zulma aura la riche idée de traduire d'autres romans de cet écrivain mexicain dans un proche avenir.
- Le Roi et la Reine s'est avant tout une ambiance de huis-clos fantastique, qui se joue comme une partie d'échecs avec quelques pièces maitresses et plusieurs apparitions surgies de nulle part. L'écriture de Sender est puissante, fascinante, hypnotisante. Attila a encore réussi à faire ressurgir un écrivain dont on se demande comment l'oeuvre aie pu demeurée aussi longtemps sous silence.
-Attila a frappé fort cette année. J'aurais encore pu retenir La Tombe du Tisserand de Seumas O'Kelly ou Fuck America de Edgar Hilsenrath, pourtant il a fallu se limiter à une seule troisième place.
J'ai donc retenu Invention des autres jours, sous-titré, roman kaléidoscopique. Par sa construction morcelée inimitable, Jean-Daniel Dupuy a réussi à créer une oeuvre d'une grande originalité. Son écriture est dotée d'un pouvoir enchanteur. Il manie les jeux de mots ou les déformations linguistiques, les ritournelles et les poèmes avec un sens du rythme enivrant.
Il a naturellement répondu, il y a quelques jours, aux questions de la taverne.
  • Meilleures lectures de l'année
1- Romain Verger, Grande ourse(Quidam, 2007)
2- Julián Rios, Cortège des ombres( Tristam, 2008)
3- Robert Alexis, La véranda (José Corti, 2007)

-Romain Verger est, pour moi, l'une des grandes révélations de cette année littéraire.
Cet artiste romancier, poète, critique, anthropologue, peintre, photographe(et j'en oublie probablement) a plus d'une corde à son arc. Dans Grande ourse, son roman fantastique (dans tous les sens du terme) il exploite tous ses talents et les mille et unes ressources de l'écriture pour faire déferler sur le lecteur un raz-de-marée sensoriel. Le résultat est court mais d'une densité étourdissante pour un deuxième roman.
Je devrais reparler avant la fin de l'été de Romain Verger et des différents aspects de son travail.

-Julián Rios, auteur d'un cycle Larva, est un écrivain fantasque qui manie la langue avec une audace incomparable.
Cortège des ombres est un recueil de nouvelles mais le fil conducteur qui unit les différents textes, la bourgade de Tamoga et ses habitants fantomatiques, le place définitivement dans une forme à part. Il plane sur ces textes une ambiance mystérieuse dont il est difficile de s'extraire.

-La véranda de Robert Alexis, c'est un voyage d'une grande poésie durant lequel le temps semble être suspendu. Il se dégage de l'écriture de Robert Alexis, un perceptible parfum de mélancolie. Même si la deuxième partie perd quelque peu de ce charme, nul doute que ce court roman recèle en lui la beauté presque surannée d'un poème de Byron ou de Lamartine.
  • Meilleures nouvelles
-Jean Cassou, Ophélie( in Le Visage vert numéro 15, 2008)
-Gilbert Keith Chesterton, Les trois cavaliers de l'apocalypse( in L'oeil d'Apollon, éditions du Panama, dans la collection "La Bibliothèque de Babel", 1977)
-Thierry Acot-Mirande, Temps gelé (in Temps Gelé, Monsieur Toussaint Louverture, 2009)

-Ophélie est un bijou de concision, une démonstration remarquable qu'une nouvelle de quelques pages peut emporter le lecteur très loin quand elle est composée par un écrivain aussi poétique que Jean Cassou. Je tiens à saluer la revue Le visage vert et toute son équipe, sans laquelle je serais probablement passé à côté d'une si belle découverte.

-Gilbert Keith Chesterton figure aussi parmi les réjouissances de cette saison de lecture. Les trois cavaliers de l'apocalypses est un conte à la chute étonnante.

-Temps Gelé m'a permis de faire connaissance avec la jeune et audacieuse maison Monsieur Toussaint Louverture ainsi qu'avec un auteur qui a su créer un monde personnel, à la lisière fantastique et science-fiction.
  • Hors-catégories
1-Juan Rulfo, Pedro Páramo (Gallimard,2005 / en poche chez Folio depuis 2009)
2-Jacques Abeille, Le Cycle des contrées(Ginkgo Editeur, Deleatur)
3-Jean-Pierre Martinet, Jérôme (Finitude, 2008)

-Parmi les inclassables, Pedro Páramo de Juan Rulfo s'est imposé comme un chef-d'oeuvre qui a marqué, et qui continuera d'influencer des générations d'écrivains mexicains. Sa technique narrative, jonchée d'échos percutants, sa concision, son onirisme en font l'un de ces livres, dont on se dit une fois refermés, qu'ils sont un accomplissement de l'art littéraire.

-Jacques Abeille est l'un des écrivains français en activité dont l'oeuvre est la plus puissante. Son cycle des contrées se situe dans un univers à la fois fantaisiste et étrangement ressemblant à des territoires existants. Il a su créer des personnages faits d'ombres et de lumières, dans un environnement d'inventions, et avant tout happer le lecteur dans une atmosphère envoutante.
Ginkgo/Deleatur, en cours de réédition illustrée de cette oeuvre monumentale, est à saluer pour sa contribution salvatrice.

-Jérôme est un autre livre phénoménal, que j'ai pu goûté dernièrement.
Il ne peut se lire impunément si j'ose dire. On pénètre dans le monde oppressant de Jérôme Bauche corps et âme, avec la crainte de ne jamais en ressortir indemme.
Il faut dire que Jean-Pierre Martinet a habité son personnage principal de tourments insondables. Il ne refuse aucune audace, aucun délire pour que le lecteur ne soit plus un spectateur, mais bien l'incarnation complète de cet homme de deux mètres et de cent cinquante kilos.
Pour la prochaine saison, j'aurais la tâche ô combien ardue de rédiger, après relecture , une chronique qui rende hommage à cet auteur admirable, que les éditions Finitude nous proposent de redécouvrir. D'ici là, je vous invite à vous délecter de la chronique audio que Nikola a faite à ce sujet.

La taverne reste ouverte tout l'été et espère vous retrouver encore plus enthousiastes à la rentrée. Je tiens à remercier tous ceux qui ont réagi aux différents billets de l'année, ou ceux qui ont pris simplement le temps de les découvrir.

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