Photographie issue du blog de Marie-Paule Deville-Chabrolle |
Les noces de carton célèbrent la marginalité de destins qui se télescopent, qui se chevauchent de façon anarchique, qui s'épousent ou se renvoient la balle au sein d'un cortège nuptial.
Elles nous invitent de façon divertissante à combler les brèches de ces tranches de vie, de ces morceaux choisis, de ces bribes d'existence.
C'est à la suite de l'une de mes promenades que j'ai cueilli le fruit d'un texte que je vous présente ici.
Je suis la "vieille" qu'on a plumé comme un pigeon et qui en a profité pour voler de ses propres ailes. Je suis celle qui s'agrippe aux espoirs du commun des mortels. Celle qu'on becte du regard dès qu'elle montre le bout de son nez. L'épouvantail qui tend les bras pour prendre de la hauteur, l'oiseau de mauvais augure déjouant les coups du sort et les guerres intestines en dégainant son orgue de barbarie, comme d'autres brandiraient un étendard. Celle qui fugue au son du canon de Pachelbel. Celle qui se plaît à bouleverser les idées reçues en transformant les fusils en manches à balai, les kamikazes en amoureux transis de liberté. Je suis aussi celle qui virevolte au-dessus du scrutin universel. Celle qui ramasse son butin au coeur des fragments de poésie urbaine, des éclats de rire, des lueurs d'espoir, des étincelles de génie. Je suis la vieille qui va et qui vient du jour au lendemain, en contant les vains pas qu'elle a fait entre deux. Celle qui joue à la marelle pour basculer en un rien de temps de la terre au ciel. Je suis aussi la petite fille jetant des pavés dans la marre qui éclaboussent les songes et les mensonges miroitant la vérité. Je suis celle qui connaît les mille et un maux invariables de l'humanité demeurant depuis la nuit des temps. Les cailloux, les poux et les choux, je cultive pour élaborer un maraîcher parsemé de croyances. Un cimetière qui divulgue le secret des mots ailés, un lieu où tout ce qui sort de terre nourrit la conjugaison des efforts imparfaits et encore à faire. L'audace irriguant les microgrammes et les proses appétissantes colportées d'un rivage à l'autre, au gré d'une valse errante. Le mariage des singularités et de la pluralité permettant de féconder des métissages savoureux.
Toujours est-il que pour les uns ou pour les autres, je suis une diseuse de bonne aventure, une radoteuse de mauvaise fortune. Pigeon dénigré, voyageuse de l'ombre, ou colombe incantatrice, je suis une métamorphose constante qui fait son cirque ambulant à toute heure du jour et de la nuit. Qui s'éclipse en octobre entre les voleurs à la sauvette et qui ressurgit au milieu des flocons et décombres de décembre. Mes plumes dans le ciel décrivent des trajectoires qui en disent long sur mes intentions.
Les enfants d'octobre, Aïd Akanot et Anna Doïdou en premier lieu, saluent ces poèmes éphémères en gravant dans la brique noire mes chants imaginaires:
"L'ESPERANCE EST UNE PLUME
VOLANT DANS LE CIEL DE L'INSURRECTION.
L'INSURRECTION EST UNE ESPERANCE
VOLANT DANS LES PLUMES DU CIEL.
LA PLUME EST UNE INSURRECTION
VOLANT DANS LE CIEL DE L'ESPERANCE.
LE CIEL EST UNE ESPERANCE
VOLANT DANS L'INSURRECTION D'UNE PLUME."
La craie et la neige se mêleront bientôt pour coaguler les rêves en évolution.
Telle aurait pu être l'épitaphe de la vieille aux pigeons.
- D'après une lecture de Les Noces de carton de Jean-Daniel Dupuy, paru en 2005 aux éditions de La Mauvaise Graine
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