vendredi 1 mai 2009

Le Mexique, un pays à la littérature florissante




Alors que l'actualité s'acharne sur le Mexique en ces temps d'épidémie contagieuse et que le pays est devenu, malgré lui, une destination boycottée, j'ai choisi de vous faire voyager dans ses contrées, au travers d'un recueil de nouvelles d'auteurs mexicains, paru cette année chez Métailié, cette maison qui s'est déjà illustrée en nous dévoilant des panoramas étonnants, du Brésil à Cuba en passant par l'Amérique latine et un crochet au Portugal.

Cet ouvrage, qui est en fait, une réédition en format poche, nous offre un bien beau florilège de ce que la littérature contemporaine de ce pays peut nous offrir dans toute sa richesse, sa bouillonnante diversité actuelle, comme nous la présente François Gaudry, au cours d'une préface brève mais fort enrichissante. On apprend notamment que l'histoire tourmentée du pays( en particulier la guerre des Cristeros) a fortement secoué la littérature du pays. Parmi les auteurs profondément marqués par celle-ci, la figure de prou des lettres mexicaines, Juan Rulfo et son roman Pedro Paramo, a laissé une empreinte indélébile sur toute une génération d'écrivains. Si les terres mexicaines sont un creuset ethnique, sa littérature en est un témoignage convaincant. Difficile de faire mieux que François Gaudry pour condenser les impressions que laisse ce recueil:

"Il n'y a pas, semblent dire toutes ces voix qui font le pari de l'art de la fiction, UNE littérature mexicaine, mais des écrivains singuliers. Qu'ils s'expriment dans le registre de la satire, du réalisme, du fantastique, de la chronique, de l'humour; que leur univers romanesque soit noir, inquiétant, désespérant, corrosif, insolite, drôle; qu'ils s'éloignent de leur pays ou en scrutent les plaies, les grâces et les rêves, tous témoignent d'une relation unique avec le Mexique, ses dires, son histoire, son présent."
L'écriture de bon nombre de ces auteurs est âpre, concise, à l'image des terres arides du pays.
En toile de fond, souvent, on retrouve Mexico, ville tentaculaire, tumultueuse, dévorante, capable d'emprisonner les êtres et les âmes dans un chaos incommensurable.
A mon humble avis, le charme le plus profond et inhérent à ces auteurs, est leur faculté de savoir brouiller les pistes, en associant de façon audacieuse les genres, les plus radicalement opposés.

Nous retrouvons dans ce recueil des textes de tailles assez variables( de trois à trente pages) des noms qui pourront vous être familiers, et d'autres, méconnus hors des frontières du Mexique.
De bien belles surprises en perspective, comme Antonio Sarabia, avec La mousse sur la pierre.
Un jeune homme trouve les amourettes de ses camarades insipides et refuse de se prendre au jeu. Lasse de subir les sempiternelles moqueries de ses camarades, il décide de créer de toutes pièces une liaison imaginaire qui lui permettra d'interloquer ces derniers. La curiosité de ses copains ne pourra être comblée que par une inventivité toujours croissante. Une sorte de joute qui m'a régalé.

Mauricio Molina n'a jamais eu l'honneur d'être traduit en français. Pourtant, son texte La toile d'araignée démontre un savoir faire remarquable dans la mise en abyme. Il y est question d'un homme qui travaille dans une maison d'éditions. Un jour, il tombe sur un texte qui mine de rien, s'immisce dans sa vie de façon assez troublante. Un jeu de duperies très bien ficelé et qui laisse planer le mystère jusqu'au bout.
Ces nouvelles savent enfiévrer l'imagination du lecteur, en suivant la trajectoire d'artistes imaginaires, mais aussi parfois, en les associant à des artistes réels. Enrique Serna s'est fait remarqué en ce début d'année avec son roman Quand je serais roi (chez Métailié et traduit par François Gaudry). Ici, il nous propose une nouvelle intitulée Vanité, qui cache la portée morale de l'oeuvre. Un poète désespéré de trouver une certaine reconnaissance dans son art, reçoit un beau jour une réponse inattendue à une missive qu'il avait envoyée il y a fort longtemps à l'illustre poète Octavio Paz, dans laquelle il lui dévoilait sa dernière réalisation, Tir dans l'obscurité. Le caractère élogieux de la lettre l'incite à s'en servir pour obtenir un laissez-passer dans le cercle fermé de la littérature. Cadeau miraculeux ou cadeau empoisonné, telle est la question? Encore une fois, on ne s'ennuie pas une seconde. Une confusion insidieuse s'immisce dans l'esprit du lecteur, qui se demande s'il n'est pas en train de revivre des épisodes de la vie d'Octavio Paz.

Parmi les auteurs qui ne vous seront probablement pas si étrangers, nous avons droit entre autres à l'auteur de romans policiers Paco Ignacio Taibo II, Daniel Sada, Mario Bellatin, Ana Clavel(dont j'ai présenté Les violettes sont les fleurs du désir), David Toscana( auteur du génialissime El último lector), Guillermo Fadanelli et aussi Jorge Volpi.
Ce dernier nous offre une oeuvre, la plus longue du recueil, qui se démarque de l'ensemble. Il ne s'agit pas à proprement parler d'une fiction mais, bien plutôt, d'une réflexion sur la légende de Don Quichotte, et l'influence maudite que ce personnage a eu sur les artistes qui ont voulu s'en emparer, tout particulièrement Orson Welles. On pénètre dans les dessous de la création avec un mystère entretenu de façon très subtile, qui donne lieu à une analyse poussée de la relation entre l'artiste et ses personnages. Un fort beau texte et remarquablement documenté.

Même si je ne peux pas parler un à un de ces textes, je vous invite chaleureusement à les découvrir au complet dans ce recueil globalement de fort belle facture.
32 auteurs, 32 portes d'entrée à la littérature d'un pays singulier et fascinant.



4 commentaires:

Anonyme a dit…

Je viens de découvrir votre site... avec intérêt... espérant qu'il soit parfois un tremplin vers... les violettes sont les fleurs du désir m'attire, terminant en ce moment un ouvrage où justement les chapitres ont peut-être le défaut d'être trop courts... le recueil de 32 nouvelles du mexique peut-être... Merci. sami sahli

edwood a dit…

Sami, tout le plaisir est pour moi! Les violettes est une oeuvre atypique et admirable(chroniquée en ces lieux) également une invitation à explorer d'autres rives peu parcourues de la littérature, comme Unica Zürn.

SL a dit…

Bonjour,
En cherchant qui avait pu lire ce recueil, je découvre votre site et vos analyses fines.
Merci.

edwood a dit…

SL, je vous remercie chaleureusement de votre commentaire.
Si vous ne connaissez point, je ne saurais trop vous conseiller de vous plonger dans le roman fabuleux d'un jeune écrivain mexicain, intitulé El Ultimo Lector.
J'en parle aussi sur mes pages.