mercredi 21 octobre 2009

Ministère de la pitié de Jean-Daniel Dupuy



"Je travaille au ministère de la Pitié depuis une vingtaine d'années. Vingt et un ans exactement. Vingt et un ans que j'écoute le malheur des uns, que je remplis les déclarations de malheur des autres, que je range par ordre alphabétique ces dossiers de malheur sur la grande étagère kilométrique du ministère. La nuit va bientôt tomber. J'accompagne mon grand-père jusqu'au lit, je nourris mes fourmis et pars travailler."

Quand vient la nuit tombée, les rejetés de la journée se précipitent au bureau du ministre de la Pitié, Azar Solalune, âme charitable qui reçoit à tour de rôle les singulières requêtes de ces êtres hors-norme.
Au ministère de la pitié, on y voit défiler vingt-et-un marginaux, vingt-et-une personnalités contraintes de s'effacer en journée. Dans cet asile officiel, se succèdent dans un ordre anarchique, un chat et un ogre affamé, un renard à deux pattes, un marchand de larmes, un homme à trois mains, un homme-caméléon, dont les entretiens millimétrés sont archivés dans la grande étagère kilométrique, qui entoure le maître de cérémonie.

Ici, les animaux et les hommes ont les même droits, ceux d'avoir l'illusion d'être écoutés, d'exister.
Jean-Daniel Dupuy est un fabulateur qui se plaît à travestir ses personnages, à les masquer, à inverser les rôles, à inventer un carnaval permanent. Comme chez La Fontaine, les animaux ont le droit de parole et s'en servent avec une éloquence déroutante, que ce soit en utilisant l'art-go ou d'autres détournements linguistiques. Funambule littéraire et troubadour, l'auteur marie les mots en exploitant mille et une possibilités musicales, en employant des ritournelles et autres jeux de miroir.
S'il s'agit d'un admirable conteur qui sait sortir son oeuvre des sentiers battus, c'est aussi un remarquable dissimulateur, qui parsème son texte de clins d'oeil et de réflexions renvoyant au monde contemporain.



  • Pour en savoir plus, avec notamment un extrait de la préface du livre par Jean-Claude Michéa

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