samedi 11 juillet 2009

Lamont (et merveilles) recueil de nouvelles fantastiques signé Anne-Sylvie Salzman






J'avais évoqué, au mois de mai, Anne-Sylvie Salzman à l'occasion d'un billet au sujet de la revue Le visage vert et son numéro 15, sous-titré Hantises et malédictions. La lecture de sa nouvelle Mémoire de l'oeil appelait à d'autres ballades autour de son oeuvre.
Peu de temps après, j'apprenais qu'elle serait honorée d'une nouvelle publication aux éditions du visage vert. Il s'agit d'un recueil de nouvelles fantastiques, composé de deux parties distinctes, Haut et Bas, ainsi qu'une longue nouvelle, qui donne le titre au recueil et vient le clore.


Le Haut, tout d'abord, chemine sur des sentiers de montagne, dans un cadre pour le moins inquiétant. La marche n'est qu'un prétexte, un Mcguffin au parcours aux contours incertains, qui attend les randonneurs.
Le décor typique de l'Ecosse, son ambiance ténébreuse, et la sauvagerie des lieux contribuent à aiguiser les sens, à faire naître les visions qui étreignent les promeneurs. Elles s'apparentent aux empreintes que les randonneurs laissent dans ces territoires embrumés. Le basculement d'une réalité tangible à un monde halluciné se réalise de façon très insidieuse, de sorte que la hantise du lecteur vis-à-vis du sort des protagonistes est exacerbée.
Etant moi-même adapte de la marche en montagne, je dois dire que j'ai retrouvé certaines impressions étranges qui peuvent soudainement m'envahir de façon incontrôlable, totalement exposé à l'aspect dépouillé de la nature et au silence qui y règne.
J'ai aussi beaucoup apprécié que ces trois nouvelles restent ouvertes à diverses interprétations.

Le Bas lui m'a semblé un peu plus inégal, mais de bien belle facture tout de même. Pourtant, avec Meannanaich, cette seconde partie débute sous les meilleures auspices. Un homme ayant perdu sa fille va se servir des vertus réfléchissantes et lumineuses des miroirs pour tenter de la faire revenir sa fille à la vie. Un petit bijou fantastique comme on aime se les faire conter près de la cheminée..
Vient ensuite le remarquable Mémoire de l'oeil, dont j'ai déjà parlé, agrémentée ici de deux illustrations de Stephan Ueding. Tout au long du recueil, son trait discret, dépouillé, évanescent, se marie bien aux mots emprunts d'une poésie diffuse d'Anne-Sylvie Salzman.
Cependant, L'infortunée, qui prend place dans le monde du cirque, et le très court Hilda m'ont paru nettement moins captivants que les deux premières nouvelles de la partie. Je ne saurais trop expliquer cette appréciation somme toute subjective, si ce n'est qu'elle semble être due à une ambiance moins oppressante et à un rythme plus défaillant.

Ce sont ces mêmes impressions qui m'ont gêné dans la lecture de la pièce que j'attendais comme l'apothéose du recueil, Lamont. J'ai peut-être été aussi déconcerté par l'usage de stéréotypes éculés de la littérature fantastique, comme les canines petites et pointues de Lamont, dérangé par la prose par trop catégorique, annihilant la confusion charmante entre réalité, fantasmes et onirisme, qui me séduisait tant dans le Haut. Par ailleurs, à la fin du texte, j'ai eu comme la vague impression qu'il aurait mérité un développement plus conséquent pour permettre au lecteur de s'y plonger corps et âme.

Lamont demeure un recueil fort attachant, pas dénué de défauts certes, mais qui recèle amplement de quoi immiscer l'épouvante et la terreur chez le lecteur sensible aux ambiances mystèrieuses.



*la photographie est de Jean-Pierre Gilson et l'illustration extraite de Lamont est de Stephan Ueding

2 commentaires:

Eric Bonnargent a dit…

C'est étrange : l'Infortunée est la nouvelle qui m'a le plus touché. Qu'entends-tu par défauts ?

edwood a dit…

Bartleby, ravi de te retrouver dans la taverne.
Pour cette nouvelle, je ne parle pas de défauts mais plutôt d'une déception par rapport aux précédentes nouvelles, qui avaient mis la barre très haute, question d'ambiance je pense et d'imagination moins éveillée.
Certes, mon appréciation est somme toute subjective. Je le revendique pleinement.
J'ai néammoins pris du plaisir aussi à lire cette nouvelle et je serais le premier à soutenir ce recueil mystérieux.

Pour preuve, j'ai poursuivi ma découverte de Anne-Sylvie Salzman avec Sommeil et désormais, avec Au bord d'un lent fleuve noir.
Quand un livre ne me plaît pas, j'ai rarement envie d'aller plus loin dans la découverte de l'auteur...