jeudi 23 juillet 2009

Le cabinet des curiosités


Il y a quelques jours, votre serviteur a répondu à l'étrange questionnaire imaginé et joliment étoffé par Eric Poindron.
Si, par hasard, il vous prenait l'idée saugrenue de découvrir les résultats divers et variés de cet exercice de style entrepris par des cobayes triés sur le volet, ou si vous étiez tenté de vous perdre dans les méandres du cabinet de curiosités, vous pourriez aborder la cryptozoologie, des livres presque oubliés à ne pas oublier, des expériences de laboratoire, des fous littéraires ou même la gastronomadie. Dans ce bric-à-brac ineffable, le génialement banal côtoie les ombres inquiétantes de ce qui touche de près ou de loin le microcosme littéraire. Le mot d'ordre semble être le délicieux désordre.
L'une des particularités, et pas des moindres, de ce lieu attrayant, est l'intéractivité des billets, sous la forme de devinettes, de questions ouvertes, ou d'ouvertures savamment proposées.
Pour les curieux, le blog de l'infatigable Eric Poindron constitue une mine inépuisable.


"Ce qu'on appelait au siècle dernier "cabinet de curiosités" ou "panoramas" étaient des dispositifs optiques constitués d'un vaste tableau peint en trompe-l'oeil et déroulé sur les murs d'une rotonde éclairée par le haut. Le spectateur des panoramas, placé au centre, avait ainsi l'impression de découvrir d'une hauteur un véritable horizon."

(Christophe David en postface de Le Cabinet des curiosités, Allia,1998)





Le cabinet de curiosités est aussi le nom d'un recueil de très courts textes d'un certain Alfred Kubin. Graveur, peintre et écrivain autrichien, né en 1877 à Leitmeritz, une petite ville au Nord de la Bohême, il a subi l'influence de ses contemporains Max Klinger, Odilon Redon, Goya ou Rops. Son roman onirique et fantasmagorique L'autre côté figure parmi les oeuvres qui ont marqué de leur empreinte les surréalistes.

Le cabinet présente la singularité d'illustrer par le texte un dessin placé en ouverture, et non pas la démarche inverse, comme le plus souvent.
Le paroxysme de cette démarche est atteint dans le Pari, pour lequel le dessin est évoqué concrètement dans le texte et en fait partie pleinement intégrante. Un pari est lancé sur la résistance d'une combinaison en caoutchouc, appelée S.O.S. (Sei Ohne Sorge) dont les initiales signifient "Ne vous faîtes pas de souci". Cette variation du commun S.O.S (Save our souls) engendre une confrontation ambiguë, susceptible de servir de chute à la dualité troublante.

Tout comme son écriture, le trait de Kubin, comporte des contours vaguement perceptibles.
La construction de ces récits miniatures fait songer à des contes fantastiques fragmentés.
En quelques lignes tapissées de mystère, des silhouettes à peine esquissées, au terme de quelques pages, s'évanouissent dans des profondeurs insondables. Entre les deux, peu de place est laissé aux fioritures, et infiniment plus aux élucubrations de son lectorat.

"Quand l'imagination excitée se fixe sur une chimère, celle-ci finit par se matérialiser tôt ou tard."
(Alfred Kubin dans Le Cabinet des curiosités)


De la bible revisitée dans Le franchissement du col à une version étrange d'un pèlerinage lorgnant du côté de Don Quichotte( Le dernier vagabond) en passant par un récit amoureux au terme duquel l'objet du désir devient l'inhabituelle victime(l'Intrus) Kubin artiste accompli, dépeint des contrées hallucinées qui dégagent une troublante impression de familiarité.
Chez Kubin, les territoires explorés sont des mondes peuplés de chimères. Que ce soit le visage du cavalier qui apparaît à travers le reflet du fourreau de son épée, de la vision envahissante de l' ancienne maîtresse et esclave du sultan, celle du profanateur de sépultures confronté mentalement à la vengeance du défunt, le délire maladif d'une femme victime d'hallucinations, le cadavre vampirique qui se décompose avant l'analyse révélatrice ou bien l'interprétation abusive d'une femme anti-militariste, qui associe un enfant déguisé en soldat à un regain guerrier, les visions constituent l'essence de ces récits. Quand celles-ci ne sont pas dévoilées, elles sont suggérées d'une façon ou d'une autre. Chant du cygne ou achèvement poétique, Ali, l'Etalon blanc est une histoire fragmentée sous formes de brèves épisodes condensés, entrecoupés d'ellipses alimentant l'imagination emportée du lecteur.



  • A découvrir : Le cabinet de curiosités composé par Alfred Kubin, aux éditions Allia (en 1997)


2 commentaires:

Irma Vep a dit…

Très cher Edwood,
tu es une belle curiosité toi-même, normal que tu te retrouves dans l'excellent cabinet d' Eric Poindron! Je repasserai par la taverne plus tard pour lire les dernières publications(j'ai du retard moi aussi ;-)
Amitiés en provenance de la campagne champenoise!
Irma Vep

edwood a dit…

Irma, la curiosité est un vilain défaut parait-il. Pour ma part, je le cultive avec délectation. En attendant de pouvoir savourer tes chroniques vampiriques, je te souhaite d'excellentes escapades champenoises.